La mouture par cylindre est actuellement le seul procédé en usage dans l’industrie meunière, par conséquent ces farines sont les plus utilisées par le boulanger.
Des cylindres en fonte écrasent le blé, comme un laminoir.
Selon le diagramme de mouture depuis les broyeurs aux convertisseurs en passant par les claqueurs, le blé subit un véritable traitement de choc.
Il faut huit à douze passages pour que la mouture se crée avec des phases de tamisage entre chaque.
Cependant, lors de ce procédé l’oxydation de la mouture est très importante, car celle-ci en plus de l’échauffement lors du broyage où la friction élève la température entre 80° et 100°, elle parcourt un long chemin par transport pneumatique (Par aspiration). Air sous-pression et particules de farine provoquent alors l’oxydation et de fait la destruction des nutriments et des vitamines les plus fragiles.
Pour comprendre ce qui se passe lors de la mouture, nous pouvons classer les éléments du grain de blé en deux sous-ensembles : d’une part, l’amande (82 à 85%) constituée par l’amidon (60 à 72%) et les protéines (8 à 12%), qui est friable car dénuée de fibres cellulosiques et d’autre part, les enveloppes (13 à 15%) et le germe (3%), qui sont plus ou moins fibreux et non friables.
Les cylindres vont réduire l’amande en farine, mais ils vont étaler, laminer, les enveloppes et le germe qui seront séparés par les tamis. On obtient donc, d’un côté la farine blanche et de l’autre, ce que nous appelons les issues, dans lesquelles se trouvent les enveloppes et le germe.
Nous comprenons aisément que la vocation des cylindres est de produire une farine blanche et si nous souhaitons une farine complète, le minotier la reconstitue en ajoutant tout ou partie des issues.
Le germe ne pouvant être réduit et si celui-ci n’est pas intimement mélangé à l’amande au cours de la mouture, comme c’est le cas sur des meules de pierre, les matières grasses qu’il renferme, deviendront très sensibles au rancissement. C’est l’un des nombreux inconvénients de la mouture sur cylindre et cela constitue une raison de plus pour ne pas le restituer à la farine.
La science diététique est postérieure à l’invention et la généralisation de la mouture sur cylindre et au début du XXe siècle, le germe, seule partie vivante du grain de blé, était encore qualifié d’impureté !
L’inconvénient majeur de cette mouture provient du fait que les cellules de l’assise protéique (l’une des enveloppes internes du grain de blé riche en protéines, en lipides et micronutriments) qui adhèrent à l’intérieur des enveloppes, sont très résistantes et que les cylindres ne peuvent que les aplatir contre le son sans les ouvrir. Ainsi séparées de la farine et rejoignant les issues, emprisonnées dans le son, elles ont été introduites dans la ration du bétail.
Pourtant, l’assise protéique contient des enzymes qui ont diverses fonctions de transformation des réserves énergétiques et minérales du grain et, ce processus qui a lieu lors de la germination, est également nécessaire pour obtenir une panification correcte (Dès lors nous comprenons l’introduction obligée d’additifs, d’adjuvants et auxiliaires technologiques).
Dans la mouture sur cylindre, il manque donc ces éléments essentiels provenant de l’assise protéique et c’est la raison pour laquelle, la farine ne peut-être considérée comme un aliment vraiment assimilable.
Devant les protestations du monde scientifique et la mode pour les aliments complets, les minotiers se sont mis à reconstituer la farine, en y ajoutant tout ou partie du son et en se gardant bien d’avertir le consommateur des dangers, pourtant bien connus, liés à son ingestion.
Ainsi les issues, traditionnellement réservées aux bétails et donc vendues à bas prix, se trouvent fortement valorisées par une demande bien orchestrée… Tout l’art de tirer profit des sous produits… Il n’y a pas de petits profits!
Malheureusement, lorsque l’assise protéique est réincorporée à la farine, en même temps que le son auquel elle adhère, les enzymes qu’elle contient sont inefficaces car elles demeurent emprisonnées dans les cellules. De plus, elle renferme toujours le dangereux acide phytique, élément bloquant les sels minéraux en réserve et qui peut-être à l’origine d’une déminéralisation. Notons qu’a l’inverse des animaux domestiques , l’organisme humain n’est pas capable de produire une quantité de phytases suffisante pour neutraliser les effets toxiques de l’acide phytique.
La meule de pierre est l’idéale car elle permet d’écraser l’amande. Je le rappelle, celle-ci est constituée d’amidon et de protéines, elle représente 82 à 85% du grain. L’usage de la meule sert également à conserver les enveloppes tout en les ponçant afin d’ouvrir les dures cellules de l’assise protéique.
Ce résultat est obtenu en écrasant quelques grains de blé entre une grande pierre plate et une plus petite déplacée alternativement.
Ce procédé peu pratique est pourtant très ancien car celui-ci occupa les femmes de l’Antiquité pour la moitié de leur vie ! La technique par meules restera pratiquement inchangée pendant des siècles.
Par la suite, la concurrence des cylindres joua, durant quelque temps, un rôle de stimulateur de progrès, mais les meules finirent par « perdre la bataille » et depuis cent ans, la technique des moulins est restée figée.
Le moulin ASTRIÉ ou type ASTRIÉ est constitué d’une meule inférieure fixe dite « dormante » et d’une meule supérieure tournante dite « courante », percée en son milieu et au travers duquel arrive le grain. La rotation de la meule amène, progressivement, le grain du centre vers la périphérie en l’écrasant peu à peu avant que les surfaces, de plus en plus rapprochées et douces, ne conduisent au glissement et à l’évacuation des enveloppes non brisées. L’échauffement est inférieur à 50°, ce qui préserve les nutriments.
Au cours de la même opération, toutes les substances libérées sont intimement mélangées, y compris le germe, malgré sa consistance légèrement grasse et tenace.
Les frères ASTRIÉ réalisent un progrès énorme sur leur moulin, cela permet un contrôle parfait de l’écartement des meules.
S’y ajoute une rectification des surfaces travaillantes, à la place du piquage traditionnel qui casse le son. Cela permet d’obtenir une farine calibrée, type 80, en un seul passage, sans présence visible de son. Résultat impossible à obtenir avec les cylindres autant qu’avec les anciens moulins.
Grâce à ce procédé, ils aboutissent à un taux d’extraction de 80% et produisent une farine de meule dont la saveur est incomparable et ceci en un seul passage !
Habituellement, il faut plusieurs passages pour parvenir à un taux aussi élevé, un seul passage ne permettant pas de dépasser un niveau d’extraction supérieur à 65% dans les meilleurs des cas !
Pour rappel, la multiplication des passages nuit à la qualité de la farine car elle favorise son oxydation.
Alors ? Farine de cylindre ou farine de meule ?
Vous avez désormais l’aspect technique et nutritionnel entre vos mains pour faire le bon choix parmi les farines et les pains.
La Citoyenne est reconnaissante de l’héritage que les frères ASTRIÉ nous ont laissé.
Pour la transmission de leur passion, pour la mécanique et pour l’ouvrage » Faire notre pain. Pourquoi ? Comment ? «
André ASTRIÉ | BLCI [octobre 2021]